Les déclarations fracassantes de Robert Bourgi, ancien conseillé officieux de Nicolas Sarkozy pour les affaires africaines, secouent la scène politique ivoirienne. Invité sur le plateau de France 24 le jeudi 26 septembre 2024 , l’avocat français a affirmé que Laurent Gbagbo, et non Alassane Ouattara, aurait été le véritable vainqueur de l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire. Cette révélation, près de 14 ans après les faits, éclaire d’un jour nouveau une élection déjà marquée par des tensions et des violences postélectorales qui ont profondément ébranlé le pays.
Un aveu de conscience lourde
« Vous m’offrez l’opportunité de laver ma conscience », a déclaré Bourgi, visiblement ému, en évoquant son rôle dans les coulisses de cette crise électorale. Il a reconnu avoir été un témoin direct des manœuvres diplomatiques qui ont conduit à l’éviction de Gbagbo, alors président en exercice, malgré la proclamation de sa victoire par le Conseil constitutionnel ivoirien, l’organe suprême chargé de valider les résultats électoraux.
« J’ai été complice d’une trahison », a confessé Bourgi, exprimant ses regrets de n’avoir pas pu s’opposer aux événements qui se tramaient à Paris. Pour lui, l’ingérence de la France, sous la présidence de Sarkozy, a joué un rôle déterminant dans le renversement de Gbagbo et l’instauration d’Alassane Ouattara comme président.
Gbagbo, un vainqueur écarté ?
Selon Bourgi, la victoire de Laurent Gbagbo était indiscutable, tant pour les autorités françaises que pour les observateurs internationaux de l’époque. « Nous savions qu’il avait gagné, tout comme Jean Ping à Libreville », a-t-il affirmé, faisant allusion à d’autres épisodes de contestation électorale en Afrique. Ces révélations remettent en question la légitimité du scrutin de 2010, et par extension, les fondements de la présidence d’Alassane Ouattara, élu après une crise sanglante qui a fait au moins 3 000 morts et des milliers de disparus selon les Nations Unies.
Tentatives de négociation et refus catégorique
Dans un ultime effort pour éviter une escalade des violences, Bourgi a révélé qu’une offre avait été faite à Laurent Gbagbo pour qu’il accepte de quitter le pouvoir en échange d’un statut d’ancien chef d’État, assorti de privilèges. « Il va falloir appeler ton ami Gbagbo et lui demander d’accepter de partir », lui aurait dit Nicolas Sarkozy, en lui proposant notamment une retraite confortable avec 30 millions CFA, une voiture et une escorte. Mais l’ancien président ivoirien avait refusé catégoriquement cette offre, en déclarant : « Tu diras à Sarkozy que je serai son Mugabe », référence au leader zimbabwéen Robert Mugabe, connu pour son refus de céder face aux pressions internationales.
Le rôle décisif de la France dans la chute de Gbagbo
Le refus de Gbagbo de se soumettre a précipité son sort. Selon Bourgi, la réponse de Sarkozy fut sans équivoque : « Il m’a dit qu’il allait ‘vitrifier’ Gbagbo », laissant entendre une volonté de mettre fin brutalement à la résistance du président sortant. Quelques jours après cette conversation, l’armée française intervenait en Côte d’Ivoire dans le cadre de l’opération Licorne, appuyant les forces pro-Ouattara et aboutissant à l’arrestation de Laurent Gbagbo. Celui-ci fut par la suite transféré à la Cour pénale internationale (CPI) à La Haye, où il fut jugé pour crimes contre l’humanité avant d’être acquitté en 2019.
Une crise aux répercussions durables
Les révélations de Robert Bourgi viennent raviver les blessures encore vives de la crise postélectorale ivoirienne. La gestion du conflit par la communauté internationale, notamment l’intervention de la France, a été critiquée pour son manque de neutralité. En affirmant que Gbagbo était le véritable vainqueur, Bourgi met en lumière une intervention étrangère déterminante dans le basculement du pouvoir en Côte d’Ivoire, une ingérence qui, selon lui, a trahi la volonté populaire exprimée lors du scrutin de 2010.
Ces déclarations pourraient relancer les débats sur la responsabilité des puissances étrangères dans les crises politiques africaines et sur l’impact des interventions extérieures sur la souveraineté des États du continent. Pour la Côte d’Ivoire, déjà divisée par cette période sombre de son histoire, ces révélations risquent d’envenimer davantage les tensions politiques, alors que le pays continue de chercher un chemin vers la réconciliation nationale.
Grace-Gaëlle