En Côte d’Ivoire, une controverse a éclaté suite aux déclarations xénophobes d’un ministre du RHDP visant le président du PDCI. Face à l’indignation générale de la classe politique, une plainte a été déposée, ravivant le débat sur l’identité nationale.
Une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux a remis au centre des discussions un sujet sensible. On y voit Célestin Serey Doh, ministre délégué auprès du ministre des Transports et président du conseil régional du Guémon, s’exprimer lors d’une cérémonie de dons à Tacourably, dans le département de Kouibly.
Vous pouvez aussi lire Après les propos d’Arthur Banga sur NCI :La HACA rappelle à l’ordre les émissions de débat audiovisuel
Lors de cet événement, où il offrait des fauteuils, des broyeuses et des motos d’une valeur totale de 20 millions de francs CFA, le ministre et membre actif du RHDP (Rassemblement des Houphouëtistes pour la Démocratie et la Paix) a tenu des propos controversés sur l’origine de Tidjane Thiam, président du PDCI-RDA (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire).
« Il s’appelle Thiam. Quand tu quittes le Sénégal pour venir en Côte d’Ivoire, tu vas sauter d’abord un pays. Il ne peut pas mentir que lui et nous on a même frontière. C’est faux », a déclaré Célestin Serey Doh.
Il a poursuivi en affirmant : « Son papa est Sénégalais, sa maman est Sénégalaise. Tout simplement parce qu’il a été adopté par Félix Houphouët-Boigny. Quelqu’un dont la maman est sénégalaise, dont le papa est sénégalais, parce qu’il a grandi chez Houphouët, on dit c’est notre frère. Or Alassane [Ouattara], même qui a sa maman qui est d’Odienné, on dit il n’est pas ivoirien. Donnez-moi de quelle région appartient le nom Thiam… »
Ces propos ont suscité une vive réaction au sein de la classe politique. Blaise Lasm, cadre du PPA-CI (Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire), s’est exprimé sur Facebook en dénonçant l’attaque ciblée contre le président du PDCI. Il a souligné l’incohérence des propos du ministre et s’est interrogé : « Je me demande comment devraient se sentir Adama Bictogo, Adama Tounkara et bien d’autres quand un ministre de leur parti brocarde le président du PDCI parce que son patronyme Thiam ne se trouve nulle part en Côte d’Ivoire selon le ministre en question ? » Il a estimé que ces déclarations témoignent d’une certaine fébrilité du camp présidentiel à l’approche des élections.
Le Dr Osman Chérif, secrétaire national aux affaires extérieures de la J-PDCI (Jeunesse du PDCI), a réagi en déposant une plainte officielle auprès du procureur de la République pour « propos xénophobes et incitation à la haine identitaire ». Dans sa lettre, il évoque les articles 227, 229 et 231 du code pénal ivoirien, qui sanctionnent les actes de racisme, de xénophobie et la diffusion d’informations mensongères à caractère discriminatoire. Il demande l’ouverture d’une enquête pour préserver « la quiétude sociale et l’unité nationale ».
Du côté du RHDP, certaines voix tentent de minimiser l’affaire. Yacouba Doumbia, journaliste proche du parti au pouvoir, estime que si les propos de Serey Doh sont « discutables », ils ne doivent pas faire oublier « le véritable sujet » : la nationalité de Tidjane Thiam. Selon lui, la question centrale reste « le mensonge érigé en stratégie au sein du PDCI, dont le président a acquis une nationalité étrangère par naturalisation ». Il rappelle également les épreuves traversées par Alassane Ouattara, dont la nationalité ivoirienne a été contestée dans les années 1990, et estime que « comparer les cas de Tidjane Thiam et Alassane Ouattara relève de la mauvaise foi ».
Alors que la polémique enfle, plusieurs observateurs s’inquiètent des répercussions d’un tel discours sur le climat politique à l’approche des élections. Certains dénoncent une instrumentalisation de la question identitaire à des fins électorales, ravivant des tensions anciennes qui ont marqué l’histoire politique du pays.
Des organisations de la société civile appellent à la retenue et exhortent les responsables politiques à privilégier le débat d’idées plutôt que des attaques personnelles fondées sur l’origine. Elles rappellent que la Constitution ivoirienne définit les critères de nationalité et que l’appartenance à la nation ne saurait se limiter à un simple patronyme.
En attendant, la plainte déposée contre Célestin Serey Doh suit son cours, et la réaction du président du PDCI, Tidjane Thiam, est attendue. Reste à savoir si cette affaire s’apaisera rapidement ou si elle marquera un tournant dans le débat politique ivoirien.
Grace-Gaelle