Lutte anti-drogue en Côte d’Ivoire : une affaire retentissante frappe la cellule spécialisée du Port autonome d’Abidjan

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La lutte anti-drogue en Côte d’Ivoire connaît un nouveau rebondissement spectaculaire. Mercredi 5 mars, l’ancien commandant de la cellule anti-drogue du Port autonome d’Abidjan et deux autres officiers ont été reconnus coupables d’avoir détourné une partie d’une saisie record de cocaïne. Ils écopent chacun de cinq ans de prison ferme, un verdict qui jette une lumière crue sur les dérives pouvant survenir au cœur même des institutions censées lutter contre le trafic de drogue.

Un petit dealer au cœur d’une enquête explosive

Tout a commencé en juillet 2022, lorsqu’un petit dealer est arrêté à Abidjan avec 37 grammes de cocaïne en sa possession. Au départ, cette interpellation pouvait sembler anodine, mais le mis en cause se présente rapidement comme informateur de la cellule anti-drogue du port. Il accuse alors plusieurs gendarmes de détourner des saisies. Plus troublant encore, il affirme que la drogue retrouvée chez lui proviendrait d’une cargaison interceptée quelques semaines plus tôt.

Ces révélations font basculer l’enquête dans une tout autre dimension. Les investigations menées permettent de remonter jusqu’au commandant Armand Agnin Angbonon, chef de la cellule anti-drogue du Port autonome d’Abidjan. Après plusieurs mois de recherches approfondies, un procès à huis clos est organisé afin de déterminer les responsabilités exactes de chacun.

Le verdict : cinq ans de prison pour détournement de saisie

Le tribunal correctionnel a finalement rendu sa décision : l’ex-patron de cette unité spécialisée et deux officiers ont été condamnés à cinq ans de prison ferme. Leur crime ? Avoir soustrait une partie d’une saisie colossale de cocaïne brute, estimée à 1,56 tonne pour une valeur marchande de 25 milliards de francs CFA. Dans le box des accusés, six autres gendarmes étaient poursuivis pour complicité. Toutefois, ils ont été relaxés, l’avocat de la défense, Me Jean Serge Gbougnon, soulignant que le parquet lui-même avait requis leur acquittement.

« Si on avait pris le temps d’analyser le dossier, ils n’auraient même pas dû faire un jour de prison. Ils n’ont fait qu’exécuter les ordres de leur patron. »
– Me Jean Serge Gbougnon, avocat des gendarmes relaxés

Cette condamnation met en exergue la nécessité de renforcer la lutte anti-drogue dans le pays, y compris au sein des organes de sécurité directement chargés de réprimer ce fléau.

Un précédent déjà marquant en 2022

Cette affaire rappelle un précédent tout aussi saisissant : en 2022, plus de 2 tonnes de cocaïne avaient été interceptées entre Abidjan et San Pedro. Une trentaine de suspects avaient alors été arrêtés, parmi lesquels le chef de la police de San Pedro, finalement condamné à dix ans de prison. Ces deux épisodes soulignent à quel point le trafic de drogue peut gangrener des secteurs clés de l’appareil sécuritaire ivoirien.

Renforcer la lutte anti-drogue : un enjeu majeur

Alors que la Côte d’Ivoire s’efforce de se positionner comme un hub économique majeur en Afrique de l’Ouest, ces affaires de détournement de saisies de cocaïne mettent en péril la confiance placée dans ses forces de l’ordre. Elles illustrent également la complexité de la lutte anti-drogue, qui doit être menée non seulement sur le terrain opérationnel mais aussi au niveau institutionnel.

Pour garantir l’efficacité de cette lutte, il est impératif de :

  • Mettre en place des mécanismes de contrôle interne efficaces au sein des forces de sécurité.
  • Renforcer la formation et la sensibilisation des agents chargés de la répression du trafic.
  • Améliorer la collaboration entre les différents services de police, de gendarmerie et de douane.

En définitive, ces condamnations témoignent d’une volonté de faire respecter la loi, y compris dans les rangs de ceux qui sont censés la faire appliquer. Reste à savoir si ce coup de semonce sera suivi de réformes structurelles approfondies, capables d’enrayer durablement le trafic de drogue et de restaurer la confiance des citoyens dans les institutions qui veillent à leur sécurité.

Scofield K


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