Crise institutionnelle au Burkina Faso : Les magistrats contestent face à la réquisition militaire

Le Burkina Faso traverse une nouvelle crise institutionnelle alors que la junte militaire, dirigée par le capitaine Ibrahim Traoré, impose des mesures controversées pour renforcer la sécurité du pays. Parmi celles-ci, la réquisition de cinq magistrats pour une mission dans le Nord en proie à l’insécurité, une décision qui a déclenché une vive opposition de la part de l’intersyndicale des magistrats.

Dans un contexte de crise sécuritaire aiguë, le Centre des Opérations du Théâtre National (COTN) a ordonné l’envoi de magistrats sur le front, du 14 août au 13 novembre 2024. L’objectif officiel est de sensibiliser ces représentants de la justice aux réalités du terrain. Cependant, cette réquisition est perçue par l’intersyndicale des magistrats comme une atteinte grave à leurs droits et une violation flagrante de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Lors d’une conférence de presse tenue le 19 août 2024, les représentants de l’intersyndicale ont exprimé leur indignation. Pour eux, cette décision ne vise qu’à affaiblir la justice en la soumettant aux diktats militaires. Les magistrats réclament l’annulation immédiate de cette réquisition, ainsi que la libération de leurs collègues déjà envoyés au front. « Nous ne sommes pas des soldats, notre place est dans les tribunaux, pas sur les champs de bataille », ont-ils martelé.

Face à cette contestation, la Coordination nationale des associations de veille citoyenne (CNAVC) a rapidement pris position. Sous la direction de Basile Farga, ce groupe influent de la société civile burkinabè a exprimé son soutien à la junte et critiqué l’attitude des magistrats, qu’elle accuse de manquer de patriotisme. Selon la CNAVC, « nul n’est au-dessus de la loi », et les magistrats doivent se plier aux décisions prises dans l’intérêt supérieur du pays. La CNAVC prévoit d’organiser une marche de soutien à la junte militaire le 22 août 2024, une manifestation qui pourrait accentuer les tensions entre les partisans du régime et les opposants.

Cette confrontation entre les magistrats et la junte s’inscrit dans un climat de répression croissante. Depuis son arrivée au pouvoir, le capitaine Ibrahim Traoré a intensifié les mesures contre ceux qu’il perçoit comme des menaces à son régime. Ce bras de fer avec le pouvoir judiciaire n’est que le dernier épisode d’une série de tensions qui risquent de déstabiliser davantage le pays.

Alors que la crise s’intensifie, la société burkinabè se retrouve de plus en plus divisée. D’un côté, ceux qui soutiennent les mesures draconiennes du régime pour assurer la sécurité nationale, et de l’autre, ceux qui dénoncent une dérive autoritaire qui met en péril les fondements de l’État de droit. Les jours à venir seront déterminants pour l’avenir de cette crise, alors que le Burkina Faso se trouve à la croisée des chemins entre la répression militaire et la résistance des institutions judiciaires.

D .S