La Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire (CGECI) organise du 26 au 27 octobre 2023, son grand forum économique annuel, la CGECI Academy. Cette 11ème édition se tient dans un contexte de mutations économiques profondes et de tensions géopolitiques qui ont un impact sur le développement des entreprises africaines. A travers le thème « Croissance durable des entreprises en Afrique : Cap sur la Compétitivité », la CGECI et ses invités vont réfléchir et proposer des leviers susceptibles d’impulser une dynamique sur les marchés commerciaux, régionaux et internationaux, de plus en plus, concurrentiels. Dans cette interview, le président du patronat ivoirien, Ahmed Cissé, parle des défis de l’économie mondiale, du choix du thème du forum et de son contenu, et lance un appel à la mobilisation des entreprises.
M. le président, cela fera bientôt un an que vous présidez aux destinées du patronat ivoirien. Quel est votre regard sur l’économie ivoirienne et mondiale, à la lumière des tensions géopolitiques du moment ?
L’économie ivoirienne s’est montrée résiliente face à la pandémie de la COVID-19, aux conséquences de la crise russo-ukrainienne, au resserrement des politiques monétaires, et à l’instabilité socio-politique dans certains pays d’Afrique de l’ouest. Cela, grâce en partie, aux mesures mises en place par nos autorités pour y faire face. En dépit de ce contexte de crises et de l’inflation, la croissance économique est restée stable, en passant de 7 % en 2021 à 6,7% en 2022.
Par ailleurs, la mise en œuvre des réformes prévues dans le cadre du Plan national de développement (PND) 2021-2025 devrait stimuler la croissance à moyen terme. De grands projets d’infrastructures sont en cours, notamment ceux relatifs au métro d’Abidjan, aux routes ou à la Coupe d’Afrique des Nations (CAN 2023). D’importants investissements ont été réalisés dans plusieurs villes de la Côte d’Ivoire. Pour soutenir le secteur privé, diversifier l’économie et améliorer le climat des affaires, la Côte d’Ivoire a obtenu avec le Fond monétaire international (FMI) en mai 2023, un prêt de 3,5 milliards de dollars sur 40 mois, et a levé des fonds sur le marché. Nous espérons, de ce fait, des retombées positives sur le monde des affaires.
Nous continuons de travailler avec le Gouvernement sur les mesures visant à soutenir les entreprises et faire en sorte que la croissance en Côte d’Ivoire reste l’une des meilleures en Afrique, comme les années précédentes.
En ce qui concerne l’activité économique mondiale, l’inflation a atteint le niveau le plus haut en 2022 du fait des effets successifs des crises citées plus haut. Selon les prévisions de référence du FMI, la croissance mondiale va ralentir, passant de 3,5 % en 2022 à 3% en 2023.
Dans quelques jours, ce sera la rentrée économique pour votre organisation marquée par la tenue de son grand forum économique, la CGECI ACADEMY. A quoi devrions-nous nous attendre dans un contexte de conjoncture ?
Les perspectives relativement pessimistes du fait de tous les bouleversements que connait le monde, ont influencé, en partie, le choix du thème de la CGECI ACADEMY 2023. Ce forum sera l’occasion pour nous de réfléchir sur la problématique très importante et d’actualité qui est celle de la compétitivité des entreprises. Les panels et tables rondes permettront de réfléchir sur les facteurs clés de compétitivité nécessaires à la construction d’un écosystème à même de garantir leur croissance durable, dans un environnement de plus en plus ouvert et concurrentiel. De plus, des masters class permettront à nos PME d’être outillées pour faire face aux défis organisationnels, de structuration et gagner en compétitivité. Nous aurons également la participation d’éminentes personnalités venant de toute l’Afrique et des autres parties du monde. Ces personnalités viendront partager avec nous l’expérience de leur pays et nous échangerons ensemble sur ce qu’il est possible de faire pour que les entreprises africaines prospèrent dans notre monde en pleine mutation.
Le thème de cette 11ème édition est « Croissance durable des entreprises en Afrique : Cap sur la Compétitivité ». Est-ce l’expression d’une inquiétude du secteur privé dans l’environnement actuel ?
A travers le choix de ce thème, nous voulons faire comprendre aux acteurs du secteur privé et à ceux du secteur public, que nous sommes à un tournant de la vie économique de nos différents pays où il faut se poser les bonnes questions et trouver les solutions adéquates pour permettre à nos entreprises de continuer à jouer leur rôle moteur de créateur de richesse et surtout d’instrument de stabilité sociale. Nous avons tous le devoir de faire en sorte que les entreprises africaines soient compétitives, c’est-à-dire, innovantes et créatives, de sorte à pouvoir surmonter les défis et saisir les opportunités qui se présentent à elles, sur tous les marchés. Mais pour y arriver, nos Etats doivent redynamiser les dispositifs de soutien aux entreprises et adapter les cadres règlementaires, toutes choses qui rassurent les investisseurs et les entrepreneurs présents dans ces pays.
Voilà autant de préoccupations auxquelles l’édition 2023 de la CGECI Academy tentera de répondre. A travers ce thème, il s’agira, en résumé, de discuter des enjeux et défis auxquels font face les entreprises, quels que soient les secteurs d’activité dans lesquels, elles évoluent, et de proposer des solutions concrètes et applicables.
Ce thème correspond aussi aux objectifs du plan stratégique 2023-2026 de la CGECI que nous avons élaboré au début de mandat à la tête du patronat ivoirien, à savoir permettre d’accroître le business de nos membres en particulier et des entreprises en général.
Nous savons que des problématiques telles que l’environnement des affaires, le financement des PME et des startups, la fiscalité, les infrastructures (énergie, routes, transports et logistiques, Tic), le partenariat Etat-secteur privé, la promotion des champions nationaux seront abordés. Sans préempter des recommandations qui naitront des discussions, pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ces sujets ?
Toutes les thématiques que vous évoquez sont portées au quotidien par le patronat ivoirien dans le cadre du dialogue permanent qu’il a avec l’Etat. La problématique de l’accès des entreprises au financement, la réforme du système fiscal que nous souhaitons, le développement des infrastructures économiques, la baisse des coûts des facteurs de production et la qualité du dialogue Etat-Secteur privé, sont des sujets auxquels nous accordons un intérêt particulier. S’ils continuent d’être améliorés, ils permettront de créer un cadre propice aux affaires et favoriser la compétitivité de nos entreprises. C’est un challenge auquel les secteurs privés africains et les gouvernements doivent faire face si nous voulons espérer exporter notre savoir-faire dans le monde entier.
En ce qui concerne la promotion des champions nationaux, c’est un sujet qui nous tient particulièrement à cœur, car il est essentiel que dans des secteurs prioritaires en ligne avec le Plan national de développement et la vision Côte d’Ivoire 2030, une part significative de notre développement économique soit prise en main par les entrepreneurs nationaux. Bien entendu, cela n’exclut pas la promotion des investissements étrangers.
Sur le continent, certaines nations ont fait des sauts qualitatifs et il est important que leurs expériences soient partagées. Il s’agit notamment du Nigeria, de l’Ethiopie et du Maroc. Le sujet de la création et de l’émergence des champions nationaux sera donc abordé au cours cette 11ème édition. Ce sera également l’occasion d’échanger avec les autres pays sur les acquis de la Côte d’Ivoire en la matière.
Il est annoncé des invités spéciaux tels que les anciens présidents du Nigéria, du Cap-Vert, ainsi que l’ancien Premier ministre de l’Ethiopie. Tous, des acteurs politiques cités en référence pour leurs actions dans leur pays. Y’a-t-il un message particulier que votre Organisation veut faire passer ?
Je voudrais saisir l’opportunité que vous me donnez à travers cette tribune pour saluer chaleureusement les anciens présidents du Nigérian Olusegun Obasanjo, du Cap-Vert, Pedro De Verona Rodriges Pires et l’ancien Premier ministre éthiopien, Boshe Hailemariam Dessalegn. Je voudrais leur exprimer toute ma gratitude pour l’insigne honneur qu’ils nous font en acceptant de prendre part à notre Forum.
Pour en revenir à votre question, je dirai que nos trois invités d’honneur sont des personnalités africaines bien connues qui, lorsqu’elles étaient aux affaires ont mis en œuvre des réformes audacieuses, courageuses et engageantes qui ont permis à leurs secteurs privés mais surtout à leur tissu entrepreneurial national de se redynamiser et de se positionner sur le Continent comme des références. Nous entendons tirer profit de leur expérience et de leur savoir-faire sur la compétitivité des entreprises, sur la question des champions nationaux et sur le développement des secteurs agricoles, industriels et touristiques.
Dans un contexte économique africain bientôt balisé par la Zone de libre échange continentale africaine (ZLECAf), qu’est-ce que le secteur privé ivoirien propose pour améliorer la compétitivité des entreprises, surtout des PME ivoiriennes ?
Pour relever le défi de la compétitivité des entreprises et surtout des PME, nous disposons de plusieurs leviers dont la mise en place d’un cadre permettant de les accompagner financièrement. Car sans financement, leur développement devient utopique.
En outre, le secteur privé ivoirien doit également mettre en œuvre une stratégie de sensibilisation et d’information de ces entreprises sur les marchés des pays auxquels elles souhaitent accéder.
Par ailleurs, il faut renforcer les capacités des PME à tous les niveaux pour leur permettre d’être dynamiques et plus aptes à faire face à la concurrence. Les organisations du secteur privé comme la CGECI et ses membres, ou la Fédération ivoirienne des petites et moyennes entreprises devront également aider les PME à être plus innovantes et à renforcer leur position sur les marchés extérieurs.
L’on sait qu’à la demande du chef de l’Etat ivoirien, exprimée à l’occasion de la CGECI Academy 2018, la CGECI a produit un livre blanc sur l’industrialisation de la Côte d’Ivoire dont le contenu a été pris en compte dans le Plan national de développement 2021-2025. Est-ce qu’au terme de la 11ème édition de ce forum, une telle initiative est envisageable surtout que la notion de compétitivité met en relief la pérennité des entreprises du secteur privé ?
Vous avez tout à fait raison. Nous travaillons déjà sur la rédaction d’un livre blanc sur la compétitivité des entreprises ivoiriennes. Il sera enrichi par les échanges et recommandations du forum. Notre ambition, comme vous l’avez mentionné, est d’être une force de proposition pour l’économie ivoirienne dans son ensemble, afin que nos entreprises évoluent dans un environnement qui leur garantit d’être compétitives aussi bien sur notre marché local qu’à l’export. Notre plaidoyer sera alimenté par ce livre blanc et nous croyons que, tout comme celui sur l’Industrialisation, il bénéficiera d’une attention particulière du chef de l’Etat et des membres du Gouvernement, avec à leur tête le Premier ministre, Robert Beugré Mambé, que je félicite au passage, pour une prise en compte effective de ses recommandations dans les stratégies de développement de notre Pays.
Votre mot de fin
Je voudrais vous remercier pour ces échanges que vous m’offrez. J’exhorte les dirigeants et cadres d’entreprises à se mobiliser pour donner un cachet spécial à cette 11ème édition de la CGECI Academy qui accueillera au moins 1 500 personnes, dont plusieurs délégations de patronats étrangers. Les entreprises qui veulent y prendre part, peuvent encore le faire, il y a des places disponibles. Elles doivent s’inscrire sur le site www.forumcgeciacademy2023.com et s’acquitter d’un droit de participation qui leur donnera pleinement accès aux travaux très enrichissants prévus au programme. Les participants bénéficieront d’un contenu scientifique très intéressant, qui sera distillé par le biais de deux parcours à destination des entrepreneurs de toutes catégories. Ce sont au total 15 panels, 6 masters class et 3 tables rondes présidées par nos invités d’honneur qui auront lieu.
Ce forum offre une occasion unique de réseautage aux entreprises, à travers des rencontres B2B au cours desquelles des partenariats d’affaires pourront être noués. Par ailleurs, la CGECI Academy, c’est également la cérémonie de récompense des lauréats de la Business plan compétition (Ndlr : CGECI BPC) qui permet de promouvoir des jeunes entrepreneurs à qui des prix seront remis au terme d’un processus de sélection très rigoureux. Ils bénéficieront d’un accompagnement de notre Confédération et de ses partenaires, tant au plan technique que financier.
J’encourage les jeunes à se déplacer massivement dans l’après-midi du jeudi 26 octobre, pour venir s’inspirer du savoir-faire et de l’engagement des startups que nous allons primer. Cela peut être une source d’inspiration pour tous ceux qui ont l’ambition de concevoir des projets pour créer ou développer leur entreprise. Nous aurons également un dîner de gala qui sera la partie conviviale et ludique de notre Evènement au cours duquel, des distinctions seront remises à des chefs d’entreprises dans le cadre des « Awards du Patronat ». Les entreprises sont donc attendues au Sofitel Abidjan Hôtel Ivoire dès le jeudi 26 octobre pour la cérémonie d’ouverture qui sera présidée par le Vice-président de la République de Côte d’Ivoire, S.E.M. Tiémoko Melyet Koné.
interview réalisée par AIP/Fraternité Matin