Il est un peu plus de 10h. Et les voilà dégoulinant de sueur, dans les artères du village. On voit les porteurs s’introduire dans des cours, avec le cercueil, en poussant des cris de guerre. Ils parviennent donc au domicile de dame Aké A. J., âgée d’un peu plus de 70 ans. La mémé, plongée dans les bras de Morphée, est tirée de son sommeil. Que se passe-t-il ? Elle n’a pas le temps de se faire même une petite idée, que des jeunes investissent sa chambre à coucher, et l’accusent de sorcellerie. « C’est toi qui a tué notre ami. Voici pourquoi le cercueil est venu chez toi », « vieille sorcière », scandent ces jeunes gens visiblement surexcités.
La dame, qui a juste eu le temps de cacher son jardin secret avec un morceau de pagne, est stupéfaite. La bouche ouverte, elle cherche à comprendre davantage ce qui se passe. Les jeunes porteurs ne lui donneront pas d’ailleurs de temps. En représailles, ils décident de saccager tout chez la grand-mère. Chaises, télévision, portes, plafond, meubles, tout est détruit. Et comme si cela ne suffisait pas, ils lui volent une importante somme d’argent. Avec ce butin, ils ressortent de la cour avec le cercueil.
Les porteurs, très déterminés d’ailleurs, parcourent différentes voies du village, toujours à la recherche d’un autre sorcier. C’est seulement bien plus tard, quand la gendarmerie d’Anyama, alertée, arrive que le cercueil prend la direction du cimetière. Au domicile du défunt, où nous avons pu rencontrer l’oncle de Julien, celui-ci a décliné toute responsabilité : « Je suis chrétien. Je ne crois pas en ces choses. Mon neveu était malade. Il s’est rendu chez moi à Abidjan pour ses soins. Dieu merci, il avait recouvré la santé. Le 25 décembre 2018, il est revenu au village pour la fête de Noël. C’est à son retour, qu’il a rechuté. Mais, je ne peux pas soutenir ce que ses amis disent. Dieu est le maître de tout… ».
Les enfants et petits-enfants de dame Aké ont promis de donner une suite judiciaire à cette affaire. La chefferie, approchée, n’a pas daigné se prononcer sur l’affaire.
Jean-François YAPI