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Présidentielle 2020 : Ouattara a presque tout « bouclé et géré »

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Ces propos tenus par le ministre Hamed Bakayoko le 20 janvier 2019 semblent être justifiés au regard des dernières manœuvres du Chef de l’Etat à la tête d’institutions et d’organes qui jouent un rôle central dans une élection présidentielle en Côte d’Ivoire. Objectif, une victoire du RHDP en 2020 avec pour éventuel candidat, le Président Alassane Ouattara dont la candidature pour un troisième mandat devient de plus en plus probable.

La CEI, le Conseil constitutionnel, la RTI et l’armée. C’est la liste des institutions et des organes qui ont joué un rôle clé dans l’élection présidentielle de 2010 qui s’est soldée par une crise postélectorale ayant occasionnée 3000 victimes. Ils étaient tous dirigés par des proches de Laurent Gbagbo et avaient agi avec un zèle déconcertant à défendre sa victoire contestée. L’un d’entre eux, le président du Conseil constitutionnel à l’époque, Yao N’Dré pour expliquer ces écarts, notamment d’avoir proclamé Laurent Gbagbo vainqueur en annulant au grand dam de la loi, les résultats dans des circonscriptions favorables à son adversaire, avait déclaré : « Nous avons tous été possédés par Satan ».

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 A l’approche de 2020, tout porte à croire qu’Alassane Ouattara travaille à mettre à la tête de ces instruments, des fidèles qui sauront se faire « posséder par Satan » lors de la prochaine élection présidentielle comme l’a fait son prédécesseur Laurent Gbagbo. C’est-à-dire, nommer à la tête de la CEI, du Conseil constitutionnel, de la RTI et de l’Armée, des hommes de confiance qui sauraient le soutenir sans faillir le moment venu.

Tout commence le 5 février 2015 à l’aube de la présidentielle de cette même année. Francis Wodié annonce sa démission du Conseil Constitutionnel. En cause, il n’aurait pas supporté de recevoir des injonctions du Chef de l’Etat. Attitude qui viole le principe de la séparation des pouvoirs et qu’il ne pouvait accepter. A sa place, le Chef de l’Etat va nommer un de ses proches parmi les proches, Koné Mamadou, son conseiller juridique durant la crise postélectorale. Ce dernier fût un membre influent du RDR et aurait été « prêté » à la rébellion de 2002 au sein duquel il occupera les fonctions de Secrétaire général adjoint des Forces nouvelles. À l’égard de ses accointances avec le Chef de l’Etat, il y a des raisons de croire qu’Alassane Ouattara, en nommant Koné Mamadou, imite ce que Laurent Gbagbo a fait en nommant son ami Yao Paul N’Dré à ses mêmes fonctions, en ayant à l’esprit de garder le contrôle sur cette institution. Comme quoi, pour ce qui concerne le Conseil constitutionnel, « tout est bouclé ».

Et à la RTI aussi, tout semble dorénavant « bouclé et géré » depuis que le Président Alassane Ouattara a pris le soin de nommer à la tête de l’organe public de l’audiovisuel, un journaliste dont toute la carrière a servi à écrire pour des journaux proches de son parti politique. Fausseny Dembélé est un journaliste proche du RDR. Il a écrit pour le Patriote, le journal le plus aligné au parti d’Alassane Ouattara. Ensuite, il rejoint en 2005, un autre quotidien, « Nord Sud » plus proche de la rébellion et de Guillaume Soro, avant de créer plus tard, le journal « L’Expression » tout aussi proche du parti au pouvoir. En récompense, il sera parachuté Directeur de cabinet du ministère de la Culture. Sa dernière fonction avant de rejoindre la Direction de la Maison bleue, qui joue un rôle déterminant à chaque élection. Souvenez vous qu’en 2010, les résultats du deuxième tour de la présidentielle seront proclamés sur une chaine étrangère, parce que le président de la CEI de l’époque avait estimé ne pas se sentir en sécurité à la CEI et ne pouvait pas non plus compter sur la RTI pour diffuser des résultats défavorables à Laurent Gbagbo. Ce dernier à l’époque avait bataillé pour garder la main sur la direction de la RTI en imposant un de ses proches. Comme lui, Alassane Ouattara vient de mettre à la tête de la radiotélévision ivoirienne, un directeur général qui n’a aucune expérience en audiovisuel, mais qui à pour principal atout d’être un militant de la première heure de son parti. Ce qui n’était pas le cas de son prédécesseur, jeune et compétent certes, mais qui n’a pas le profil pour des missions où il va falloir se laisser « posséder par Satan ». 

Le Conseil constitutionnel et la RTI « bouclé », il ne reste plus au Chef de l’Etat que le dossier de la CEI, l’élément clé. Cette commission, Alassane Ouattara pensait l’avoir « géré » en maintenant à sa tête, « celui qui l’a fait roi », Youssouf Bakayoko. Bien que son mandat se soit achevé après six ans d’exercice, Alassane Ouattara l’a gardé à la tête de la CEI contre vents et marrées. Jusqu’à ce qu’une ONG locale, l’APDH aille saisir la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples pour dénoncer la composition de la CEI. Ladite Cour va donc exiger la réforme de cette commission, sur la base qu’elle a violé son obligation de mettre en place un organe électoral indépendant et impartial, obligeant finalement, le Chef de l’Etat à accepter de la réformer. A peine le processus de la réforme lancé que déjà certains partis de l’opposition se plaignent d’être écartés. Si éventuellement, tout est fait pour que 2020 soit « géré et bouclé », il est clair que le pouvoir en place usera de plusieurs subterfuges pour garder la main sur cette Commission électorale.

C’est le dernier chantier en friche avant 2020, car pour ce qui concerne l’armée, le dernier rempart, si d’aventure les élections devaient virer à une crise, Alassane Ouattara vient de procéder à une dernière restructuration de l’armée qui en dit long sur ces intentions de tout « géré et bouclé ». Après sa rupture avec l’ancien président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro, le Chef de l’Etat a pris le soin de mettre un peu à l’écart, l’une des grosses figures de la rébellion, le Colonel Issiaka Ouattara dit « Wattao ». Il quitte le commandant de la très prestigieuse garde républicaine pour les unités rattachées à l’Etat Major. Même s’il est promu au rang de sous-chef, il perd une position très stratégique. En cause, il serait fort probable que Ouattara voit en lui, des accointances avec l’ancien patron de la rébellion avec qui il a partager de longues années dans le maquis durant la rébellion. En revanche, Alassane Ouattara a réhaussé les galons d’autres chefs de guerre de la rébellion, comme Chérif Ousmane et Losseny Fofana dit « Loss » respectivement aux fonctions de Sous-chef d’Etat-major de l’armée de terre et au 3ème bataillon de Bouaké. Des nominations à travers lesquelles, Alassane Ouattara semble avoir pris le soin de renforcer les anciens rebelles sur qui il peut compter au détriment d’un Wattao sur lequel il aurait des doutes sur ces rapports avec son allié d’hier, Guillaume Soro. En 2020, seuls les hommes de confiance seront à la tache pour que tout soit « géré et bouclé ».